François

DESNOYERS

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Patience

 

Ils sont assis tous les deux sous les taches d’un ciel tardif, parmi les brindilles, les arbres… et une étrange odeur de thé.

Elle lui verse, sur l’épaule, des cheveux sombres et chauds.

Ils écoutent une absence d’oiseaux bouger très lentement dans les frondaisons.

Ils sont témoins de cet échange particulier qui se produit souvent, à la tombée du jour, entre la densité des choses et leur saveur particulière.

Lorsqu’elle lève la tête, un sentiment millénaire picote la joue de son ami. Le ciel aussi, graduellement, se picote d’étoiles.

« Tu as entendu? »

Il se frotte la joue puis incline la tête pour mieux voir.

Quelques nuages perdent contenance.

Dans les frondaisons, un léger affolement s’estompe.

 

     
     

Le fil de l'eau

 

Une route de terre sans dentition suivait son fil, au hasard de l’eau. Elle tricotait, avec la ponctuation des pierres et le négoce des racines, tout ce qui ruminait dans son bouillon d’écume, d’algues et de limon. Un peu plus loin, au plus fort du courant, une goélette tanguait dangereusement, aux prises avec une décision controversée dont l’issue était sur le point de déterminer son sort.

Pendant ce temps, un personnage trapu et bref s’était arrêté sur la route pour les observer. Cette personne ricanait nerveusement, les mains dans les poches, croyant à tout moment les voir succomber puis s’enfoncer dans le tumulte des flots. Le feuillet de son visage était mal écrit, peu inspiré, vérolé de mauvaises virgules et de points de suspension qui ne menaient à rien. À première vue, son air chiffonné pouvait donner à rire, peut-être malgré soi. Mais la réaction des gens devant lui tendait invariablement à se désorganiser, à perdre pied, puis finalement à se rompre tout-à-fait, lorsque l’individu se révélait à eux tel qu’il était vraiment, soit par le choix d’un mot ou encore par un geste involontaire, c’est-à-dire lorsqu’il laissait paraître une âme qui se noyait dans son propre vide.

Il était encore sur la berge, quelques heures plus tard, au même endroit, toujours attaché au lointain, par un fil qui n’existait pas, à l’eau scintillante qui disparaissait à l’horizon. Il n’y avait plus rien qui sortait de son sourire ni de ses yeux, ses yeux ouverts au maximum et dans lesquels, en s’y penchant, on pouvait encore distinguer des ailes noires, combattant dans une eau profonde, où la lumière finalement rendait l’âme.

     
     

Fil d'Ariane

 

Au bout de deux longs doigts, une cigarette amorcée depuis peu se laisse oublier; la cendre avance un cylindre légèrement recourbé, presqu'aussi long que le pouce, signalant le passage d’un instant particulier pendant lequel rien ne semble avoir bougé.

La bouche, toujours ouverte, dévoile une intention vaguement cohérente. Un dernier mot, prononcé plus d’une fois peut-être, lui a laissé un peu de salive aux commissures des lèvres.

Les yeux sont ouverts. La tête, penchée de côté, disperse quelques boucles de cheveux impassibles au gré du front. Le récepteur téléphonique, immobile maintenant au bout de son fil, émet la tonalité parfaite d’un infarctus du myocarde.

     
 
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