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- Mis à jour le vendredi 10 novembre 2023 19:24
- Publié le dimanche 21 décembre 2014 18:22
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Guy
CHATY
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Un matin, Anatole eut la révélation que chaque minute de sa vie était importante, que chaque geste, chaque regard, chaque mot, comptaient. Il résolut d'y faire très attention pour n'en rien perdre.
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Il se regarda attentivement descendre les escaliers : il voyait ses pieds se poser avec assurance sur les marches. Il remarqua tous les mouvements qu'il accomplissait lorsqu'il mangeait. Quand il parlait, il s'arrangeait pour être placé face à un miroir et il voyait ainsi ses lèvres remuer et les mots sortir de sa bouche pour s'envoler dans les oreilles de l'autre ; il s'efforçait d'observer dans le même temps tous les comportements de l'interlocuteur.
Mais il s'aperçut qu'il ne pouvait tout retenir des gestes, des mots, des pensées : il décida de les noter sur un carnet. Chaque fois qu'il le pouvait, il écrivait en détails sur le champ ce qui venait de se passer ou bien il s'exécutait le soir même.
Cela lui prenait du temps : plus de temps souvent qu'il n'avait fallu à l'événement pour se dérouler. Il se dit qu'en procédant de la sorte, il ne perdait plus sa vie, mais qu'une deuxième vie serait nécessaire pour décrire la première. Où la trouver ?
De plus, l'obsession de ne rien perdre de sa vie envahissait cette vie même et l'empêchait de vivre tranquillement.
Il jeta son carnet et alla se coucher : ne faisant plus rien il n'aurait plus rien à conserver.
Anatole et son chat.
édition bilingue, français-allemand, Editinter 2004
traduction en allemand Werner Rossade
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Anatole attend le train depuis une heure : les horaires affichés ne sont pas respectés. Enfin il en voit un arriver au loin. Le train se rapproche, il roule vite mais semble cependant avoir de bonnes dispositions malgré son retard.
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Il est des trains qui passent sans s'arrêter, à toute vitesse, au nez des voyageurs, étirant bruyamment leur mépris le long du quai. D'autres plus pervers encore ralentissent hypocritement sans s'immobiliser pour autant.
Celui-là glisse lentement et stoppe doucement. Tranquille, il ouvre des portes accueillantes.
Il les referme vite et part aussitôt. Anatole a tout juste eu le temps de se hisser : les portes claquent dans son dos et il est propulsé contre un poteau. Le train veut sans doute rattraper son retard ; il ne peut pas être bon jusqu'au bout.
Anatole et son chat.
édition bilingue, français-allemand, Editinter 2004
traduction en allemand Werner Rossade
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Un soir, Anatole, saisi par une grande angoisse, se met à crier vers la nuit du dehors :
« Vite des mots, vite des mots … »
Anatole prend un mot, il en prend deux, puis plusieurs encore. Il les polit, il les façonne.
Les mots sont bien durs, bien ronds.
Anatole les roule dans sa tête. Ils font un tel bruit doux qu'il n'entend plus les cris et les pleurs.
Les mots viennent à lui maintenant, il les choisit un par un, il les choisit bien.
Il n'est pas seul, ils sont là.
Il peut les garder, ou les jeter, contre ses peurs et ses douleurs.
Il peut les assembler, les cimenter, en faire un mur autour de lui, qui le protègera de la nuit.
Il fait des phrases qui sonnent loin dans la maison où il est caché. Il n'arrête pas, il n'arrête pas de faire des murs de phrases.
Puis se repose, rassuré.
Anatole et son chat.
édition bilingue, français-allemand, Editinter 2004
traduction en allemand Werner Rossade