Pierre

REVERDY

 
 
 
 
 
 
 

 

 Les pays *

 

 

 

Le train va par-dessus les toits, si haut, si calme… Il ne traverse pas le paysage, il le rêve. Il frôle des villages engourdis et des cités humides, ankylosées par le brouillard, hérissées de silos, de cimenteries et de transformateurs, avec leurs jardinets étriqués, leur marché du samedi matin, et leurs ménagères à gros cabas qui piétinent dans les flaques.

 

Ce sont des pays d’ardoise et de granit, gris jusqu’à disparaître derrière leurs rideaux de pluie, immobiles sous les mêmes croûtes d’herbe depuis le commencement des temps. Les prés qui bordent le ballast ont la nostalgie de l’herbe, les rivières le regret de l’eau, et le ciel a peur des nuages.

 

Ces pays du bout du monde et de soi-même aboutissent à des grèves de sable et des chaos de rochers où bondit la mer.

 

Le livre de mon bord, Notes 1930-1936, Mercure de France
*Titre pour la présente édition

 

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