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Pierre

GASCAR

 
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Fougères *

 

 

 

Les frondes des fougères sont assez découpées et leur texture est assez fine pour que la lumière, pourtant déjà filtrée par les frondaisons qui les dominent, les traversent, même quand elles s’entrecroisent, formant une double épaisseur, et recrée, sous le berceau de leurs palmes, comme un autre sous-bois, un autre éclairage végétal. Accroupi devant des fougères, on découvre, dans une lumière verte et dorée, une image des forêts de l’ère primaire, dont les paléobotanistes nous disent que des filicales – c’est le nom générique des fougères – de la taille de nos arbres en étaient le principal élément. Aucune autre plante ne nous permet de nous représenter ce qu’était la domination végétale, au début du monde vivant. Constituée de végétaux supérieurs et ne reproduisant pas l’architecture de la grande flore primitive, la forêt équatoriale ne la rappelle nullement ; la modeste fougère de nos bois si. Avec elle, les feuilles sortent directement du sol ; le végétal a ici l’élan, la jeunesse des sources. Pas de fleurs, pas de graines, pas de fruits : la plante verte à l’état pur. Depuis plus de deux cent millions d’années, la fougère se borne à répéter sous le soleil, à l’air libre, l’empreinte qu’elle a laissée dans les couches du carbonifère ; c’est une duplication vivante de l’éternité. 

 

 

Le Règne végétal, Gallimard, Paris, 1981

* Titre pour la présente édition

 

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